Nos organisations syndicales dénoncent solennellement une mesure discriminatoire d’une gravité inacceptable à l’encontre des femmes en situation de grossesse exerçant dans la fonction publique.
DERNIÈRE MINUTE 23/06 : À la suite de l’interpellation des huit organisations syndicales de la fonction publique, le gouvernement Bayrou annonce vouloir revenir sur l’application aux femmes enceintes de la baisse d’indemnisation des arrêts maladie.
LETTRE AU MINISTRE
À compter du 1er mars 2025, vos choix politiques impliquent que les femmes en situation de grossesse placées en congé maladie ordinaire – hors congé pour grossesse pathologique ou congé maternité – subiront une perte de rémunération de 10 % dès le premier jour d’arrêt. Ainsi, une femme dont la grossesse est déclarée mais qui serait contrainte de s’arrêter quelques jours sur avis de son médecin verra sa rémunération amputée.
Ce choix politique constitue une discrimination sexiste manifeste et une attaque contre les droits des femmes et leurs conditions matérielles de vie.
Il renvoie à une époque que nous pensions révolue où les droits des travailleuses étaient suspendus à leur capacité à rester « productives » malgré les difficultés physiques liées à la maternité.
Est-ce ainsi que votre gouvernement entend défendre les droits des femmes ?
La baisse de la rémunération dès le deuxième jour d’arrêt maladie rend coupable tous les agents et agentes d’être malades : elle est intrinsèquement injuste et nous continuons de la dénoncer. Mais, au XXIe siècle, rien ne peut justifier qu’un gouvernement, prétendument attaché à l’égalité entre les femmes et les hommes, puisse faire peser sur les agentes enceintes une sanction financière injuste sans tenir compte des réalités médicales, sociales ou professionnelles liées à leur grossesse. Cette décision est d’autant plus scandaleuse qu’elle touche un secteur, la fonction publique, où les inégalités salariales, les retards de promotion, les carrières hachées, les temps partiels imposés et la précarité contractuelle sont structurellement présentes. Vous ajoutez à ces inégalités une violence économique supplémentaire.
Et pour rappel, en 2018, le Parlement avait corrigé par amendement la dimension sexiste de l’instauration du jour de carence en le supprimant pour les femmes enceintes, montrant sa capacité à entendre les alertes et revendications, dont celles portées par nos organisations syndicales.
Nous exigeons :
– le retrait immédiat de la baisse de la rémunération des jours d’arrêt maladie, injuste pour l’ensemble des agent⋅es de la fonction publique ;
– la garantie pleine et entière du maintien de salaire pour toute femme enceinte placée en congé maladie ordinaire sur avis médical quelle qu’en soit la nature ;
– des politiques de santé au travail dans la fonction publique qui prennent réellement en compte la santé globale des femmes au travail mais aussi les parcours de maternité et le retour à l’emploi.
Pour nos organisations syndicales, sanctionner les femmes parce qu’elles sont enceintes ne relève pas d’une politique liée aux contraintes budgétaires : c’est une régression, c’est une attaque contre toutes les femmes et c’est une faute.
Nous attendons donc un retrait clair et assumé de cette mesure inégalitaire.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, en notre détermination collective.
SAISINE DE LA DEFENSEURE DES DROITS
le 18 juin 2025
Madame la Défenseure des droits,
Nous, CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP, souhaitons vous saisir officiellement au sujet d’une mesure réglementaire récemment entrée en vigueur que nous considérons comme une discrimination manifeste à l’encontre des agentes publiques en situation de grossesse.
Depuis le 1er mars 2025, le décret n° 2025-197 du 27 février 2025, relatif aux règles de rémunération de certains agents publics placés en congé de maladie ordinaire ou en congé de maladie, prévoit une perte de rémunération de 10 % dès le premier jour de congé maladie ordinaire. Aucune exception n’est prévue pour les femmes enceintes, même lorsque leur arrêt est prescrit entre la déclaration de grossesse et le début du congé maternité.
Nous estimons que cette mesure constitue une discrimination indirecte fondée sur le sexe et la situation de grossesse, au sens du droit européen (directive 2006/54/CE, articles 1 et 2) et français (article L. 1132-1 du Code du travail, articles L. 131-1 et L. 133-1 du Code général de la fonction publique), ainsi qu’une atteinte aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égal accès aux emplois publics (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
En effet, l’application indifférenciée de cette décote salariale à des femmes enceintes en congé maladie ordinaire méconnaît la spécificité de leur situation médicale et les expose à une double peine : médicale et financière. Cela revient à leur imposer un choix entre leur santé et leur stabilité économique, ce qui est incompatible avec le principe d’égalité de traitement.
Lors de l’instauration du jour de carence en 2018, une exception avait été obtenue pour les femmes enceintes, fondée sur la reconnaissance de leur vulnérabilité médicale (cf. réponse ministérielle JO Sénat du 23/05/2019, p. 2722). La suppression de cette exception sans justification médicale ou juridique nouvelle constitue une rupture d’égalité de traitement.
Nous sollicitons donc votre avis sur :
Le caractère discriminatoire de cette mesure à l’égard des femmes enceintes ;
Sa compatibilité avec les normes juridiques nationales et européennes en matière de non-discrimination ;
L’opportunité d’émettre une recommandation aux pouvoirs publics en faveur du retrait ou de la modification de cette disposition.
Nous nous tenons à votre disposition pour tout élément complémentaire utile à l’instruction de ce dossier, et vous transmettons en annexe les textes réglementaires concernés, des témoignages d’agentes concernées, ainsi que la pétition syndicale ayant recueilli plus de 120 000 signatures.
Veuillez recevoir, Madame la Défenseure des droits, l’expression de notre haute considération.