Témoignage d’un CPE d'une académie de la zone A. Tour d’horizon sur 2 points saillants du mois de mars (désorganisation et démobilisation), et une inquiétude forte (le stress intense des élèves fragiles).
Une désorganisation sur 3 semaines au moins
Il était prévisible que des épreuves de bac au mois de mars désorganisent fortement et durablement le fonctionnement des établissements.
Le conflit social actuel [sur la réforme des retraites] est un facteur aggravant notamment au niveau des transports ferroviaires qui acheminent un grand nombre d’élèves mais il ne saurait occulter:
- les profs d’EDS absents pour harmonisation, pour certaines épreuves orales et journées pour correction.
Nous sommes la première zone à partir en vacances vendredi 7 avril ; des collègues seront réglementairement absents quasiment jusque là. Ce sont non seulement les Terminales qui sont touchées, mais aussi tous les autres niveaux et surtout les 2ndes, plus sensibles à cette désorganisation. - l’incompréhension totale sur le fait que les Terminales soient libérés le 22 alors que les épreuves étaient terminées le 21 et que tous les EDS soient supprimés les 23 et 24 alors que seuls certains collègues étaient en harmonisation: 12h dans un emploi du temps de 26/28h, c’est énorme.
- 6 semaines (du 24/04 à début juin environ pour les conseils de Terminales), même tronquées par les jours fériés x 12h de spé hebdo, l’avis est unanime pour dire que c’est beaucoup trop pour préparer une épreuve orale dont la mise en œuvre incombe avant tout aux élèves eux-mêmes.
Une démobilisation inédite avec le bac en mars
Le rectorat avait « interdit » les révisions. Le chef d’établissement s’est basé là-dessus mais a finalement cédé aux demandes notamment des élèves du CVL, des parents d’élèves et face aux décisions de ses collègues (4 LGT/LPO de plus de 900 élèves dans la ville) qui ont offerts aux terminales des jours de révision; nos Terminales ont été libérés de cours le vendredi 17/03. Néanmoins:
– du 13 au 15/03: 24.9% de cours manqués en Terminale
– jeudi 16/03: 63.6% de cours manqués en Terminale
– 23 et 24/03: 30.3% de cours manqués en Terminale
– lundi 27/03: 18.4% de cours manqués en Terminale
– mardi 28/03: 25.2% de cours manqués en Terminale
L’an passé, à la même période sans EDS, nous étions sur le mois de mars à 7.4% de cours manqués en Terminale malgré là aussi quelques perturbations sociale (17/03, 22/03, 31/03).
Dès le 27 mars un élève a fait part de sa décision de ne plus venir en cours et un autre, plus prudent, est venu se renseigner sur cette possibilité et les risques encourus.
Tous les jours au Bureau de Vie Scolaire, des familles font part du sentiment d’inutilité à venir en classe une fois les EDS et Parcoursup terminés ; les difficultés de transport et la crainte des absences de prof (grève, correction) leur donnent du grain à moudre supplémentaire.
Voilà peut-être un facteur complétement sous-estimé (voire méconnu…), ce poids des familles ou des élèves majeurs (statistiquement 1/4 des terminales l’est fin mars, 40% fin mai) dans la validation de cet absentéisme contre lequel l’institution ne peut plus grand chose, pour ne pas dire rien.
Ces situations devraient s’accentuer avec un 3ème trimestre « pour du beurre » (aucun poids dans Parcoursup, poids négligeable dans le contrôle continu du bac, d’autant qu’il a commencé depuis début mars et que les élèves ont déjà des notes pour ce dernier trimestre).
Sans parler d’absentéisme continu, un absentéisme perlé avec une présence à la carte (philo, les cours/profs qu’on aime bien) est à craindre.
Il est aujourd’hui trop tôt pour le dire avec certitude mais la tendance à ce jour montre bien une nette dégradation de l’absentéisme en Terminale en ce début de 3ème trimestre là où auparavant il était pour la majorité des élèves et au moins jusqu’au 15 mai, avant les grands ponts et le début du bachotage à 1 mois des épreuves, un temps au cours duquel ils se ressaisissaient après un hiver difficile. Un ministre parlait de « la reconquête du mois de juin », c’est dans celle de la fin mars qu’il va falloir se lancer.
Des élèves fragiles de plus en plus en difficulté ?
Globalement, nos chiffres d’absentéisme ne sont pas bons et en nette dégradation. La plupart des établissements du secteur fait ce constat d’élèves de plus en plus fragiles (un constat largement partagé au niveau national ) : sur l’ancien bac, nous avions, 1, au pire 2 absents aux épreuves. L’an passé, lors des EDS en mai, 4 élèves n’ont pas pu se présenter aux épreuves, 3 les ont repassés en septembre, 2 ont eu leur bac.
Nous envisagions un scénario contrarié en mars par des maladies hivernales pas encore tout à fait terminées et des épisodes dépressifs devenus assez classiques en janvier/février non encore réglés: 8 élèves n’ont pas pu se présenter aux EDS cette année dont 2 grippés (certificat médical fourni) et 6 « trop fragiles ». On voit rarement des grippes ou des gastro en mai ou juin et certains élèves fragiles vont un peu mieux et parviennent à se remobiliser.
Ces épreuves anticipées dans l’année de Terminale n’enlèvent rien au stress des examens et ne font en fait que le précipiter; elles fragilisent le cadre scolaire qui était déjà difficile à tenir auparavant jusqu’à fin mai.