Le 24 juin dernier, après notre assemblée générale, les militants étaient réunis pour une table ronde sur la mise en place de l'EVARS dans les établissements.
Présentation des intervenants :
Mme Camille FAVRE : Référente académique égalité filles-garçons et de lutte contre les LGBTphobies, Formatrice sur les questions de genre, PLP lettres-histoire
Mme Nathalie MINNE : Formatrice EVARS, entre autres publics, elle forme également les personnels de direction ; CPE au collège de Frouzins ; membre du groupe académique de lutte contre les LGBTphobies
M. Martin SOUILLES DEBATS : Formateur spécialisé intervenant pour l’association Artemisia (bureau d’étude et institut de formation lié à laboratoire de recherche en sociologie ; auparavant animateur de prévention au planning familial du Gers
Animation : Catherine TROUBAT, militante à CFDT Education Formation Recherche Publiques, académie de Toulouse
Voici les idées principales développées au cours de cette table ronde.
C’est quoi l’EVARS ?
Un peu d’histoire et quelques définitions
EVARS pour Education à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle. On parle d’EVAR à l’école primaire puisqu’il n’y est nullement question de sexualité. La première circulaire sur la mise en place de cet enseignement date de 2003. Elle indique que chaque élève doit bénéficier tous les ans de 3 séances d’Education à la Vie Affective Relationnelle (et sexuelle à partir du collège). L’académie de Toulouse fait partie des pionniers qui ont mis en place bien avant des séances Education affective et Sexuelle.
Si dans les années 1980, l’EAS avait pour but de lutter contre MST ou les grossesses non désirées ; aujourd’hui faire de l’EVARS c’est travailler sur le climat scolaire.
Aujourd’hui il y a les réseaux sociaux et toute la communication (orale ou virtuelle) est très sexualisée. Dans les séances, on part toujours du vocabulaire exprimé par les élèves sans aller au delà.
L’EVARS aujourd’hui
Le programme qui sera en vigueur (enfin !) à la rentrée prochaine vise à réduire inégalités entre établissements car dans la réalité, il y a ceux qui mettaient en place les 3 séances obligatoires depuis 2003 et les autres. En sondant la salle et nos vécus, il est clair que cet enseignement est très diversement répandu.
Dans l’opinion publique, la perception de l’EVARS est faussée car la plupart des adultes n’ont pas vécu cet enseignement en tant qu’élèves. Iels sont donc sensibles aux nombreuses campagnes de désinformation sur l’EVARS colportant l’idée qu’on valorise telle ou telles pratiques sexuelles, ou qu’on ne respecterait pas le développement psycho affectif des enfants. Au delà de la fronde des réactionnaire, une partie de la confusion repose notamment sur l’amalgame entre le programme français et le le programme belge (qui va beaucoup plus loin car la Belgique évoque ses questions depuis bien plus longtemps)
Une séance est prévue pour aborder un thème précis et les sujets sont abordés en tenant de compte de capacités des élèves. Par exemple si sur une classe 2 élèves utilisent un terme, on demande aux autres (sans le définir) si iels en ont déjà entendu parler. Si très peu d’élèves en ont entendu parler, le terme ou le sujet ne sera pas définit pendant cette séance là mais on précisera à celles et ceux ont soulevé le sujet qu’on est disponible pour en parler avec eux à un autre moment. En dehors de ces cas là, on laisse dire non pas par démagogie mais parce que si on ne laisse pas les élèves s’exprimer avec leur propre vocabulaire on ne peut pas déconstruire les concepts qui sont derrière.
22 ans après circulaire, enfin des programmes pour la rentrée scolaire 2025 !
Les programmes précisent les notions et compétences à travailler pour chaque niveau. Il comporte également des pistes pédagogiques. Il est articulé autour de 3 axes qui peuvent être reformulés ainsi : moi, moi et les autres, moi et la société. Ils sont pensé pour être progressif de la maternelle à la terminale. Les thèmes récurrents sont le consentement, la luttes contre discriminations et l’usage des réseaux sociaux. Cette dernière thématique est essentielles car
Les violences sexuelles naissent à la maison, s’épanouissent à l’école et explosent en ligne !
L’animation de ces séances n’est pas de la responsabilité des personnels infirmiers, des associations et des profs de SVT mais bien de toute la communauté éducative. La co-animation est préconisée car elle permet de croiser les regards et d’être plus vigilants sur les réactions des élèves pendant les séances. La mise en place de ce programme induit la protection juridique du personnel. C’est un élément important car certaines familles peuvent être très vindicatives. Cela permet de réaffirmer que cet enseignement est conforme aux valeurs de la République et ne saurait être contesté ou évité. Il n’est pas possible de soustraire son enfant de l’école le jour d’une séance d’EVAR(S) pas plus que le jour où la théorie de l’évolution est vue en SVT.
Comment favoriser la mise en place de l’EVARS ?
Les associations en renfort
Les associations peuvent être un soutien à la mise en place et un partenaire pour aborder certaines thématiques ou développer des projets. Elles doivent obtenir un agrément pour pouvoir intervenir dans les établissements scolaires. A titre d’exemple, le planning familial s’est intéressé très tôt à EVARS. L’avantage du monde associatif c’est que les intervenants sont des inconnus pour les élèves. Cela facilite souvent les contacts et la libération de la parole. Il faut cependant toujours un agent au moins de l’Education Nationale pour gérer la séance et après l’intervention. Il faut également être vigilant sur les associations qui veulent faire passer des valeurs qui leurs sont propres et pas forcément en accord avec valeurs de l’école. Ces dernières sont minoritaires. Au planning familial, il existe une charte nationale qui permet une certaine garantie. Il peut être utile de vérifier que les intervenants sont bien formés à l’écoute active. L’EVARS aborde des sujets qui peuvent rentrer en résonnance avec nos valeurs personnelles, il faudra donc veiller à ce que ces valeurs soient alignées avec les programmes. Enfin, il faut veiller à ce que les associations s’adaptent au projet de l’école et n’arrive pas avec un projet ficelé ou pour une intervention sans aucune continuité avec les autres séances.
Un zoom sur… la culture du viol
Si on vous dit « hier soir un viol a eu lieu à Toulouse ». On imagine alors une scène de nuit où homme disgracieux, un peu marginal et en état misère sexuelle surgit entre deux poubelles dans une ruelle sombre et mal famée. Il se jette sur une jeune femme, habillée avec une jupe « trop courte » et qui avait peut être un peu bu. En utilisant la surprise et la violence contre cette femme, il a une relation sexuelle avec elle puis s’enfuit dans la nuit. Dans la réalité, ce n’est quasiment jamais cette situation. La plupart des victimes de viol connaissent leurs agresseurs, ce sont en général des hommes bien intégrés socialement et dont certains sont par ailleurs en couple et ne sont pas dans une « misère sexuelle » qui les autoriserait à se soulager sur la première personne croisée.
Le scénario qui nous vient en tête est un exemple de la culture du viol : un ensemble de préjugés et de clichés qui nous cache la réalité et renvoit en général honte et culpabilité sur les victimes tout en excusant les agresseurs.
L’écoute active permet de déconstruire notre regards, nos attentes et dans ce cas concret de démonter la culture du viol en remettant à leur juste place agresseurs, victimes et circonstances.
La culture du viol imprègne complètement notre société. On la retrouve dans la culture populaire (films, séries, musique…) et elle se décline dans les comportements de nos élèves (interactions et jeux). Par exemple, le jeu de l’olive et dans sa version actuelle Naruto banalise les agressions sexuelles voire les viols (pénétration par surprise). Mais cette culture du viol est également institutionalisée dans la culture scolaire élitiste via l’étude des classiques littéraires comme les liaisons dangereuses.
Toutes et tous les acteurs de l’Ecole sont concernés et peuvent agir
L’EVARS n’est pas là pour convaincre mais pour faire réfléchir, permettre le débat. Cela suppose parfois de laisser s’exprimer les élèves même si les propos exprimés sont illégaux. C’est le cas par exemple lors des séances autour de l’homophobie. Dans ce cas les intervenantes et intervenants doivent cadrer et expliquer pour que les élèves puissent déconstruire par la suite leurs préjugés.
Le conflit n’est pas un problème tant qu’on est capable de sortir de l’affect.
Imaginons, si tous élèves bénéficiaient de toutes les séances prévues, ça changerait quoi à note société ?
Dans ce cas, bien des choses changerait : notre rapport à l’autre, notre capacité à accepter existence de l’autre, à créer des passerelles avec autre. Cela va bien au-delà de la sexualité. Nous aurions probablement des individus épanouis, des élèves plus pacifiés et capables de participer aux apprentissages.
Quels sont les freins à la mise en place de l’EVARS ?
La formation
Il n’y a pas de CAPES d’EVARS, ce sont donc des compétences supplémentaires qui nécessite de la formation à la fois sur les contenus des programmes et sur les techniques d’animation des séances, mais également sur la posture et les conduites à tenir lorsque certains élèves se livrent et révèlent les agressions qu’iels subissent.
Malheureusement la formation continue va plutôt mal. L’EAFC propose tout de même 2 niveaux de formation sur l’Education Affective et Sexuelle (section 1.1.6 dans le menu de l’EAFC) ainsi qu’une formation Pop culture et questions de genre (section 1.1.4 dans le menu de l’EAFC) également sur 2 niveaux. L’EAFC ouvre les formations en fonction de nombre de vœu au rang 1. Les formatrices et formateurs luttent pour que la formation soit maintenue en présentiel.
Une piste possible est de demander une Formation d’initiative locale (FIL). Il faut au préalable constituer une équipe sur un établissement ou en élargissant à un bassin. La formation est alors « sur place » ce qui évite les déplacements sur Toulouse qui peuvent également représenter un obstacle). Les besoins sont variables d’un établissement à l’autre en fonction du public mais aussi de l’état du réseau associatif. Le bureau d’étude d’Artemisia peut également être sollicité pour réaliser un audit des établissements afin d’évaluer les besoins.
Les personnels infirmiers ou CPE peuvent être formés sur leur temps de travail contrairement aux enseignants qui doivent se former sur temps de congés scolaires (sauf pour les FIL).
Le financement
A l’échelle d’un établissement, 2 intervenants * 3 séances * le nombre de classes (*2 si les groupes sont dédoublés) cela représente un sacré paquet d’heures … et en face AUCUN financement n’est prévu nationalement. Il faut donc négocier au cas par cas, des HSE, du pacte, des IMP… Mais ces sources de financement se tarissent également. Il faudrait que l’état se donne les moyens de mettre en place cet enseignement !
Pour les interventions extérieures, il existe des dispositifs tels que génération égalité (région Occitanie). Certaines associations reçoivent des financements publics en échange d’interventions en milieu scolaire. Les fonds propres des établissements peuvent également être sollicités mais ils se réduisent comme peau de chagrin.
Le milieu associatif perd des financements sous l’effet de choix budgétaires des collectivités territoriales. Le planning familial, qui a fait avancer tant de sujets autour des droits des femmes et des LGBT ou de la prévention est en train de couler faute de moyens. Les associations sont misent en concurrence pour obtenir des financements alors qu’elles seraient complémentaires.
Faute de temps, nous n’avons pas pu aborder de nombreux autres thèmes. Une journée de formation syndicale sera peut être à venir.
Des ressources pour aller plus loin
Quelques recommandations de nos intervenantes et intervenants :
Sur le web
- le site de mission égalité du rectorat
- le site comitys
- une chaine PodEduc https://podeduc.apps.education.fr/mission-egalite-filles-garcons-et-lutte-contre-les-lgbtphobies-academie-de-toulouse/
- un digipad sur les Espaces : https://digipad.app/p/596827/7dbe96fffc3aa
- un digipad sur les VSS : https://digipad.app/p/865083/191f5def162f4
- un digipad sur les Citoyenneté numérique : https://digipad.app/p/1033713/3b5989472e1df
- des Mallettes Lutter contre les LGBTphobies : https://digipad.app/p/396689/20d76dbc72c2c, https://digipad.app/p/362623/0bca3e2383f26, https://digipad.app/p/644718/772df19ed7a91
En podcast
- Naomi Titti et Tal Madesta, Les couilles sur la table, Binge Audio ou le livre de Victoire Tuaillon, Les couilles sur la table, Point
- Victoire Tuaillon, Le coeur sur la table, Binge Audio ou le livre Le Coeur sur la table, Point
- Lolita Rivé, C’est quoi l’amour maitresse ? , Binge Audio
A lire
- Manon Garcia, 2025, Vivre avec les hommes Réflexions sur le procès Pelicot, ed. Flammarion
- De nombreuses autres références dans la bibliographie proposée par la mission égalité