Maths dans le tronc commun : répondre aux besoins de chacun par des modules  

Réintroduire les maths « pour tous » en classe de 1ère du lycée général ne devrait pas relever du « bon sens », mais d’un choix réfléchi et assumé de politique éducative : le choix de rééquilibrer un tronc commun avare en disciplines scientifiques.

Article co-rédigé avec Michel Imbert, militant Sgen-CFDT de Grenoble et adhérent à l’APMEP (Association des Professeurs de Maths de l’Enseignement Public)

Jusqu’ici en effet, le tronc commun d’un élève de 1ère générale ne possède en que 2h d’enseignement scientifique sur les 16h de cours.  Le Sgen-CFDT ne peut donc que saluer la volonté de ce rééquilibrage. Mais il souligne l’aveu bien tardif de l’insuffisance du contenu mathématique en enseignement scientifique.

Une annonce précipitée, une mesure mal calibrée

Par contre la façon précipitée (une fois encore) de prendre une telle décision pour tenter de résoudre un problème réel, est très préjudiciable, non seulement pour les conditions de travail des personnels, mais aussi pour les besoins réels des élèves.

Il ne s’agit pas de faire des maths pour tous de façon indifférenciée. Il s’agit bien de répondre à un besoin de maths,  adaptées selon les parcours.

Pour le Sgen-CFDT, il s’agit donc de faire en sorte que tous les élèves puissent faire des mathématiques au lycée général, comme au lycée technologique ou au lycée professionnel. La nécessité est celle de la logique, du calcul, de la modélisation, de l’abstraction, de l’algorithmique, d’un langage apte à décrire à sa manière notre monde. Mais tous les élèves ne doivent pas forcément étudier les mêmes mathématiques, ni avec les mêmes degrés de formalisme, de rigueur, d’abstraction.

Des maths qui recouvrent des objectifs différents

Au lycée, nous pouvons distinguer quatre objectifs en fonction du parcours des élèves :

  1. Un objectif des mathématiques pour elles-même, et des maths tournées vers les autres sciences, d’assez haut niveau quant aux exigences sur la rigueur, la démonstration. Cet objectif a été pensé dans le cadre de la spécialité et de l’option « mathématiques expertes ».
  2. Un objectif de mathématiques appliquées et outils, tournées vers l’économie, la sociologie, la gestion, les sciences de la vie… Cet objectif a été mal pensé. Les élèves choisissant ce parcours étaient obligés de partager avec les scientifiques un enseignement de spécialité de première, inadapté dans cet objectif. De plus, au niveau de la structure, la poursuite dans une option mathématiques complémentaires a posé et pose encore la problématique du décompte de l’option dans le bac. Le principe d’une option non financée mais obligatoire à ouvrir pour les lycées démontre une fois encore la différence entre les annonces et l’opérationnalité des mesures.
  3. Un objectif de mathématiques pour le citoyen traité homéopathiquement en enseignement scientifique de terminale, et partiellement inclus dans les programmes de certaines spécialités (SES, SVT, …).
  4. Un objectif de réconciliation avec les mathématiques et d’ouverture (art, littérature, philosophie…). Cet objectif de « faire des maths autrement » est crucial. Il doit casser les chaines de transmission de la peur et du stress de mathématiques. Ils sévissent trop fortement dans notre pays.

Une diversification des maths incompatible avec un ajout uniforme de 1h30 dans le tronc commun

 La solution choisie d’introduire dans le tronc commun un module mêlant les objectifs 2, 3 et 4 n’est pas la bonne. In fine aucun objectif ne sera atteint de manière satisfaisante. Il est impossible de concilier un certain niveau de formalisme pour un parcours qui utilise des mathématiques dans l’enseignement supérieur. On pense par exemple à l’usage de symbole de sommation en médecine avec des objectifs plus modestes pour la culture du citoyen. Il est impossible de concilier la rigidité inhérente à un programme de préparation à « mathématiques complémentaires », avec la souplesse nécessaire à un programme de réconciliation. Ces maths de réconciliation supposent une grande liberté accordée aux enseignants tant dans les notions abordées que dans la manière de les aborder (réalisation ou analyse d’œuvres, lien avec les mathématiques de l’école élémentaire,  histoire, liens avec la géographie, la sociologie ….).

La solution choisie ne convient pas non plus à cause :

  • d’un horaire trop faible d’1h30 qui mange 2h d’emploi du temps ou qui ronge les pauses méridiennes,
  • du statut de cet enseignement. Il n’est plus inclus dans l’enseignement scientifique de fait. Il ne constitue pas non plus une option), et a pourtant vocation à devenir pérenne.
  • du point de vue de l’évaluation noyée avec celle des autres disciplines de l’enseignement scientifique. Les objectifs de l’évaluation sont abordés avec légèreté. Ils ne permettront pas une identification des profils des élèves, des compétences et connaissances acquises. Ils ne permettront pas non plus d’éclairer les parcours. C’est pourtant un des enjeux afin de clarifier pour les élèves et l’enseignement supérieur les connaissances et compétences attendues.

Proposer des choix de modules dans le tronc commun pour construire des parcours adaptés

Pour le Sgen-CFDT il faut corriger l’architecture même de la réforme du lycée. Le cas des mathématiques offre une opportunité de penser modules plutôt qu’empilement (de spécialités, de tronc commun, d’options) d’ajouts successifs qui contribuent à chaque fois à la fragilité de l’édifice.

L’introduction de modularité sur l’ensemble du cycle terminal permettrait ;

  • une offre scientifique et mathématique plus large. Par exemple avec un module « maths outils », un module « maths du citoyen » et un module « maths autrement »
  • des parcours modifiables « en chemin ». Donc le droit à l’erreur, mais aussi à l’hésitation pour éviter les enfermements décriés dans le lycée précédent organisé en filière
  • une plus grande égalité entre les élèves en nombre d’heures de cours. Les choix effectués entre modules permettent de rester dans un horaire raisonnable. Chaque élève choisit un nombre de modules fixe, et donc chacun conserve le même nombre d’heures dans le tronc commun.

Le Sgen-CFDT revendique de pouvoir mener cette réflexion sur la construction de cette modularité rapidement. Il faut enfin proposer à la rentrée 2023 une architecture plus équilibrée, plus stable et plus lisible pour tous, personnels famille et élèves.