Réorganisation territoriale : vers des fusions d’académies ?

Depuis sa prise de fonctions, Jean-Michel Blanquer affirme qu’en matière d’organisation territoriale de l’Éducation nationale, « nous sommes au milieu du gué ». Cela semble annoncer une réorganisation des services déconcentrés. Où en sommes-nous ? Quelle analyse le Sgen-CFDT porte-t-il ?

Réorganisation territoriale : vers des fusions d’académies ?Après la présentation du rapport des inspections générales, le Sgen-CFDT poursuit le dialogue avec le ministère sur l’organisation territoriale. Si le rapport préconise des fusions d’académies, il n’est pas certain que cette option soit celle retenue par le ministre, encore moins dans le calendrier préconisé par les rapporteurs. Retour sur les projets successifs d’organisation territoriale de l’Éducation nationale dans le contexte des grandes régions, et sur ce que le Sgen-CFDT propose et défend.

 

UN RAPPORT PRÉCONISE DES FUSIONS

Le rapport des inspections générales présenté aux organisations syndicales le 9 mai 2018 préconise une fusion rapide et pilotée par le haut des 13 régions académiques en autant d’académies métropolitaines. En effet pour les rapporteurs qui explorent différents scénarii ce serait aux recteurs de régions d’élaborer et de proposer leurs schémas d’organisation.

Le Sgen-CFDT a dit clairement depuis 2015 qu’il n’est ni demandeur, ni favorable à une fusion des académies. En septembre 2017, le Sgen-CFDT avait émis un avis négatif sur le décret ouvrant l’expérimentation d’un recteur pour plusieurs académies. Qui plus est le calendrier de ce mécano institutionnel et technocratique avec un début de la procédure au 1er janvier 2019 est intenable.

Si le rapport ne remet pas en question le périmètre actuel de gestion des personnels, les instances de dialogue social sont un sujet sur lequel il reste complètement muet.

« Quel sort pour les personnels contractuels et d’exécution ? »

Interpelé, le ministère semble écarter toute perspective d’évolution trop précipitée, mais les informations sont néanmoins particulièrement inquiétantes. D’après nos informations, si l’option d’une fusion des académies venait à être retenue, les choix seraient « pas de mobilité géographique contrainte, pas de cadres sans solution, pas d’impact avant 2022 sur le périmètre de gestion des personnels ». Si on lit entre les lignes, il y a tout lieu de penser qu’il faille s’attendre à une fusion au chalumeau entre les académies avec des dommages collatéraux pour les personnels contractuels et d’exécution. En effet quel sort pour ces personnels ? Seront-ils invités à quitter le navire Éducation nationale par un beau plan de départ volontaire… ?

LA QUESTION DE LA FINALITÉ MÊME DE CETTE FUSION RESTE POSÉE…

La fusion des académies rationaliserait sûrement l’organisation territoriale, mais sur un mode pyramidal : il s’agit apparemment pour le ministre d’avoir 13 recteurs et rectrices en lien direct avec lui et de renforcer la chaîne hiérarchique dans une forme de jacobinisme déconcentré. La réflexion sur l’architecture administrative du service public n’aura toutefois guère de sens si on ne l’appuie pas sur une analyse conjointe des besoins en termes de politique publique d’éducation.

« Avoir le souci de la qualité du service rendu et pas seulement d’une rationalisation administrative et financière… »

Ce n’est pas parce qu’on crée de grandes académies que celles-ci doivent mener des politiques uniformes sur l’ensemble de leur territoire. S’il y a bien une façon de positiver la réorganisation territoriale c’est d’en profiter pour différencier les politiques. Le schéma de réorganisation des services, si celle-ci a lieu, doit donc tenir compte de ce souci de qualité du service rendu et pas seulement d’une rationalisation administrative ou financière.

 

ET MAINTENANT ?

Depuis que la question de la réorganisation des services déconcentrés est posée dans le sillage de la création des 13 grandes régions, le Sgen-CFDT souligne que la seule entrée par le mécano institutionnel et le haut de la chaîne hiérarchique n’est pas suffisante.

Dans ses diverses interventions en comité technique ministériel depuis 2015, et dans le dialogue avec le ministère ces dernières semaines, le Sgen-CFDT a souligné les forts enjeux du côté des conditions de travail et des missions des personnels déconcentrés. Si le ministère semble sensible, avec raison, à la mobilité et à la carrière du haut encadrement qui sera impacté par la réorganisation, le Sgen-CFDT rappelle que cette attention ne doit pas effacer les mesures à prendre pour l’ensemble des personnels des services déconcentrés.

« Prendre en compte l’ensemble des personnels des services déconcentrés… »

Il y a des enjeux de dialogue social local, mais aussi de formation, d’indemnisation, à la fois dans la phase de réorganisation, mais aussi ensuite de manière pérenne. Nous avons donc fait des demandes précises au ministère sur ces questions.

Après la présentation du rapport aux organisations syndicales, le Sgen-CFDT a rencontré la secrétaire générale du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Les annonces du ministre devraient avoir lieu dans la première quinzaine de juin.

 

CE QUE VEUT LE SGEN-CFDT POUR LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME ÉDUCATIF

UNE AUTRE CONCEPTION DU FONCTIONNEMENT DE L’INSTITUTION

Il s’agit de passer d’un système par commande hiérarchique à un système fondé sur le  principe de subsidiarité : la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’elle-même. C’est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec plus d’efficacité à un échelon moindre , c’est-à-dire la recherche du niveau pertinent d’action publique.

« Passer d’un système par commande hiérarchique à un système fondé sur le  principe de subsidiarité. »

UN MINISTRE PILOTE, RÉGULATEUR ET ÉVALUATEUR

Le ministère a tendance à prescrire aux écoles et aux établissements non seulement ce qu’ils doivent faire, mais aussi, et souvent avec un luxe de détails impressionnant, comment ils doivent le faire. Ce n’est pas son rôle.

Il revient au ministère de décliner les objectifs nationaux, d’établir des préconisations et de définir les critères d’évaluation. Une autonomie des établissements et de mise en œuvre de programmes et de pédagogies différenciés n’est légitime que par l’évaluation des effets obtenus en regard des objectifs qui s’imposent sur tout le territoire.

« Les établissements ne doivent pas être considérés comme de simples rouages d’exécution des politiques nationales ou académiques… »

Le ministère doit devenir un pilote et un évaluateur et n’a plus pour mission de vérifier la conformité des méthodes employées, ce sont bien les résultats qui sont observés et analysés. Les préconisations n’ont pas de sens si le pilotage institutionnel considère les établissements comme de simples rouages d’exécution des politiques nationales ou académiques et si les modes de relation avec les établissements ne sont pas portées par le même esprit de confiance et de respect que celui attendu dans le management interne.

L’évaluation et la régulation au niveau national permettent de mesurer l’efficacité de stratégies pédagogiques adaptées à la réussite des élèves et de les comparer d’un territoire à l’autre. Il permet de ne pas confondre « bonnes intentions » et « projet pertinent » fondé sur l’analyse des besoins spécifiques des élèves.

DES SERVICES ACADÉMIQUES EN APPUI DES ÉTABLISSEMENTS

La relation entre établissements, bassins et rectorat doit être repensée tant en termes d’objectifs et de réalisations qu’en termes d’application des circulaires. Cela comporte la reconnaissance de la capacité des équipes de direction représentant l’établissement à mener un dialogue et à contracter avec les autorités territoriales et institutionnelles de même niveau. Cette démarche doit concerner non seulement les établissements du second degré mais aussi ceux du premier degré dont le Sgen-CFDT revendique la création. C’est à partir de cet investissement local qu’on construira la cohérence académique plutôt que par la déclinaison locale d’un plan académique lui-même décliné de la communication ministérielle.

« La relation entre établissements, bassins et rectorat doit être repensée… »

Le niveau bassin de formation est le plus pertinent pour la coordination et l’animation du réseau des établissements mais aussi l’impulsion de projets éducatifs territoriaux en lien avec les collectivités. Pour conduire ce niveau, il faut une instance délibérative avec les chefs d’établissement, les directeurs d’établissement du 1er degré, les représentants de l’administration de tutelle (rectorat), les représentants des personnels et des usagers, et les collectivités.

« Le niveau bassin de formation est le plus pertinent pour la coordination et l’animation du réseau des établissements… »

Dans un fonctionnement de ce type, les corps d’inspection peuvent apporter un regard extérieur, une vue plus large, et une capacité d’évaluation qui apporteront de l’épaisseur au projet.

 

Enseignement supérieur et recherche : élargir les politiques pluriannuelles de site à tous les acteurs du post-bac

Les contrats quinquennaux de site constituent une avancée intéressante. Les regroupements d’établissements ont désormais la responsabilité de coordonner l’offre de formation post bac d’un territoire. Mais cela ne concerne que les établissements du supérieur sous tutelle MENESR.

Les établissements sous autre tutelle et les lycées, notamment, ne sont pas inclus dans ce périmètre. Il faut donc créer un cadre pour que ce travail de coordination et de propositions soit élaboré avec les différents partenaires : acteurs socio-économiques, collectivités territoriales, organisations représentatives des personnels de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et des étudiant·es. Les CAEN – Conseils académiques de l’Éducation nationale – auraient vocation à jouer ce rôle, à condition d’être profondément réformés.