Le Sgen-CFDT 46 fixe ses conditions avant toute reprise!

Courrier envoyé par le Sgen-CFDT 46 au DASEN du Lot : Covid-19, réaction à la suite des annonces du Président de la République du 13 avril et du Premier Minsitre du 19 avril

Le Sgen-CFDT 46 fixe ses conditions avant toute reprise!

Objet du courrier envoyé par le Sgen-CFDT 46 au DASEN du Lot : Covid-19, réaction à la suite des annonces du Président de la République du 13 avril et du Premier Minsitre du 19 avril

Monsieur le DASEN,

Nous avons été surpris·es par les annonces du Président de la République le lundi 13 avril 2020 et de celles du Premier Ministre ce 19 avril. Pour ne rien vous cacher, nous pensions que l’enseignement scolaire connaîtrait la même trajectoire que l’enseignement supérieur à savoir une reprise en septembre. Nous pensions en effet que le nombre de semaines restantes à partir du 11 mai était insuffisant (8 semaines en tout dont 2 incomplètes) pour prendre le risque d’une réouverture des écoles et des E.P.L.E. Nous n’ignorons pas que si les enfants restent à la maison, les parents seront en difficultés pour reprendre une activité professionnelle. Faut-il y voir un lien de cause à effet et une substitution de la priorité économique à la priorité sanitaire ? Le doute est permis.

Pour le Sgen-CFDT du Lot, les priorités restent inchangées et demeurent la santé, la sécurité des usagers de l’École et la non-propagation du virus. Il nous est apparu que nous partagions jusque-là ces deux priorités. Nous souhaitons que cela perdure à l’avenir. Ce sont d’ailleurs ces priorités qui nous ont fait accepter le confinement, alors qu’il constitue une restriction à notre droit de circuler librement, la mise en œuvre de la continuité pédagogique, alors qu’elle est source de creusement des inégalités socio-scolaires, ce que nous combattons quotidiennement, et l’accueil des enfants de personnels soignants et aide-soignants sans de réels moyens de protection pendant près de trois semaines.

Nous savons également que le confinement peut être synonyme de souffrance pour un certain nombre de nos élèves, de leurs familles et de nos collègues. L’augmentation des violences familiales et des détresses sociales est là pour en témoigner.

Néanmoins, nous n’ignorons pas non plus que les écoles et les établissements scolaires sont des lieux de grande promiscuité humaine. Quels autres espaces d’activité connaissent une densité de population aussi élevée que des couloirs ou des salles de classes de collèges et de lycées. Vous le savez, les espaces classes sont surpeuplés ; pendant les interclasses, les couloirs ressemblent à ceux du métro parisien aux heures de pointe ; les sorties, que cela soit devant les écoles, les collèges ou les lycées, donnent lieu à des attroupements.

Nous notons également que les caractéristiques des écoles et des établissements scolaires de notre département sont d’une très grande variété. Les conditions d’accueil dans une école ne sont pas comparables à celles de la petite école en milieu rural. Il en est de même entre le petit collège et l’imposante cité scolaire.

Tout cela nous amène à penser qu’une réouverture progressive des écoles et des établissements sera extrêmement difficile à mettre en œuvre en particulier dans notre département. Notons que si l’épidémie connaît, actuellement, un ralentissement, cela ne tient qu’au respect du confinement. Ce léger coup de frein, ne l’ignorons pas, se fait à un niveau de contagion qui reste encore élevé. Ne gâchons pas par précipitation tous les efforts et les sacrifices consentis par la population depuis deux mois. Respectons le dévouement des agents des services publics dans la gestion de la crise sanitaire.

Pour notre organisation, la réouverture progressive des écoles et des établissements scolaires doit être fortement conditionnée à un affaiblissement épidémique conséquent d’ici le 11 mai.

 

Si cet affaiblissement advenait et à cette seule condition, la reprise devra, à nos yeux, répondre aux exigences suivantes, indispensables à la sécurité, à la santé des usagers et à la non-propagation du virus qui, nous le rappelons une fois de plus, doivent être la priorité absolue qui conduit nos actions.

La désinfection générale des établissements scolaires et des écoles

 

Il est indispensable que les écoles et les établissements scolaires soient, d’ici le 11 mai, totalement désinfectés. Cette désinfection doit être générale avant la reprise et quotidienne et chaque fois que nécessaire après. Nous insistons en particulier sur le mobilier scolaire à l’intérieur de la classe. Si plusieurs élèves doivent s’installer successivement sur la même chaise et à la même table, ce mobilier doit être désinfecté entre chaque utilisatrice et chaque utilisateur. Nous préconisons d’ailleurs de réduire au maximum les changements de salles et de places des élèves. Dans les écoles, les objets pédagogiques mutualisés ne pourront pas être désinfectés à chaque fois, ce qui multiplie le risque de contamination. Il conviendra alors, soit d’augmenter les dotations de ces objets, soit d’en interdire l’usage mutualisé.

Les collectivités doivent être des partenaires coopératifs et suivre les recommandations des chef·fes d’établissement et des directrices et directeurs d’école en assurant la présence des agents pour ce nettoyage. Les chef·fes d’établissement et les directrices et directeurs auront préalablement reçu des informations claires et précises sur la question.

Le respect des gestes barrières

 

Il est indispensable que les gestes barrières puissent être respectés par chacun·e. A cette fin nous préconisons :

Gel hydroalcoolique et savon

Dans chaque espace de travail (entrée des établissements, bureaux, couloirs, sanitaires, classes…) du gel hydroalcoolique doit être mis à disposition. Son usage doit être fortement encouragé. Dans les sanitaires, le savon doit être systématiquement disponible ainsi que du papier d’essuyage pour les mains. Les cheminements doivent être pensés de telle sorte qu’aucun contact manuel ne soit requis après le lavage de mains (poubelle sans couvercle, porte ouverte, etc.).

 

Masques

Le port du masque doit être matériellement possible et respecter les préconisations de la médecine de prévention.

Les distances de sécurité

 

Des distances de sécurité d’un mètre cinquante à deux mètres doivent être respectées. C’est ce point qui nous semble le plus critique. Nous pensons ainsi que le respect de cette consigne n’est pas envisageable pour nos élèves-enfants. La distanciation sociale nécessite pour les enfants un apprentissage qui doit s’acquérir progressivement et au préalable. Ce qui n’a pas été fait dans notre institution. De ce fait, nous pensons que l’accueil au-delà des enfants des personnels soignant·es ou indispensable à la gestion de la crise et celles et ceux en danger ou en souffrance « connu » dans leurs familles ne doit pas être envisagé pour les écoles maternelles et extrêmement limitée dans les écoles élémentaires. Pour les élèves adolescent·es, le respect de la distance nécessite des aménagements importants.

La salle de classe et les espaces de travail

Dans la salle de classe, pour qu’une distance de sécurité suffisante puisse être respectée, il faudra que chaque usager puisse disposer de 4m², ce qui a pour conséquence de réduire fortement le nombre possible d’élèves présent·es en même temps dans la salle. En moyenne, nous estimons qu’un groupe-classe ne pourra pas dépasser 10 à 12 élèves et 4 à 5 en cycle 1 et 2. Cela est bien sûr fonction de la taille des salles. La mise à disposition de salles et d’enseignant·es étant limitée à                                                             l’existant, l’emploi                                                             du temps                                                             de tous                                                             les élèves                                                             sera nécessairement réduit des deux-tiers environ, en particulier dans les lycées où les plages d’ouverture sont déjà pour la grande majorité très étalées. Une attention toute particulière devra être portée concernant les personnels AESH qui sont « au coude à coude » des élèves durant toute la journée de classe.

Concernant les espaces de travail et d’échanges, là aussi des règles claires devront être définies et communiquées aux personnels, notamment dans les services (DSDEN, EPLE) ainsi que dans chaque salle des personnels.

La cour de récréation

Un certain nombre de préconisations et de propositions seront à formaliser pour la mise en place d’activités qui favorisent la distanciation surtout dans les écoles élémentaires et maternelles.

La circulation inter-classe

De la même façon, il est nécessaire que chaque groupe ainsi formé dispose de ses propres horaires de cours et si possible de sa propre salle, de manière à réduire très fortement la circulation inter-classe. Les horaires seront donc organisés en décalage. Cette disposition aura un impact sur la capacité d’accueil des établissements.

Se pose également la question des demi-pensions, des internats, des transports des élèves dont l’utilisation et le fonctionnement ne doivent pas enfreindre le respect des gestes barrières.

Les demi-pensions et les internats

Si l’objectif de réduction des inégalités face à la continuité pédagogique est bien celui recherché, il faudra que les restaurants scolaires puissent proposer un repas aux élèves accueillis. Dans ces conditions les règles de distanciation sociale doivent pouvoir être suivies aussi bien par les élèves demi-pensionnaires que par les agents assurant la restauration. De plus les règles d’hygiène spécifiques (traitement des surfaces, des déchets etc.) doivent être connues et mises en œuvre par les personnels de service et d’entretien associatifs ou des collectivités.

Nous pensons que l’ouverture des internats doit être repoussée pour éviter des mobilités de population sur des distances qui peuvent être longues. Il s’agit aussi de réduire la surface des espaces à entretenir pour se concentrer sur l’essentiel. Sans même évoquer la promiscuité sociale inhérente à ce type de structure.

Les transports

Les élèves accueillis doivent pouvoir venir dans leur école ou leur établissement par les transports collectifs (urbains ou scolaires) sans que ceux-ci soient bondés. Il conviendra donc d’organiser avec les décideurs territoriaux l’adaptation de ce transport. Pour ce faire, les horaires des établissements devront être modifiés et articulés entre eux pour permettre une désinfection des véhicules et des taux d’occupation permettant les gestes barrières (il est fréquent qu’un bus commence son service par un lycée puis enchaîne avec 2 collèges, les horaires étant adaptés et étalés aux contraintes de transport). Il en va de même pour les nombreux R.P.I. dont les périscolaires utilisent des véhicules 9 places qui ne pourront pas être remplis au maximum de leur capacité, ce qui nécessitera des aménagements qui sont encore à trouver (allongement de la pause méridienne, utilisation de bus plus grands, etc.).

Une fois ce tableau dressé, il est évident que les écoles et les établissements du second degré ne pourront pas accueillir avant longtemps tous les élèves. Se pose alors la question suivante, et elle est primordiale : quels élèves accueillir ?

Quels élèves accueillir et quels objectifs pédagogiques conduire ?

 

Nous pensons que l’accueil doit privilégier, dans les conditions sanitaires optimales détaillées ci-dessus :

–       les enfants des personnels soignants et des personnels indispensables à la gestion de la crise (dont les enfants des agents de l’Education nationale)

–       les élèves pour lesquels le confinement constitue une souffrance (exposition aux violences familiales), mais comment les identifier ?

–   les 5 à 8 % des élèves qui n’ont répondu à aucune sollicitation depuis la fermeture des établissements et des écoles (selon les données du ministère)

–       éventuellement, les élèves qui connaissent des difficultés pour suivre la continuité pédagogique.

Il faut abandonner officiellement l’objectif de terminer les programmes scolaires. L’enjeu n’est pas celui-là même après le 11 mai. Il s’agira de maintenir le lien social et éducatif et de procéder à la consolidation des savoirs et des compétences acquises ou en voie d’acquisition avant la fermeture des établissements. D’autant que la très grande majorité des élèves continueront d’évoluer dans le cadre de la continuité pédagogique jusqu’aux congés d’été.

Préparer cette reprise progressive collectivement

 

Les personnels de direction des écoles et des établissements doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement, d’un appui de la part des corps d’inspection et de l’administration rectorale.

Organiser une période de pré-rentrée

Dans tous les cas et quel que soit le type d’établissement ou d’école, cette reprise progressive doit être précédée d’une période de concertation, de mise en route, une sorte de « pré-rentrée » suffisamment longue pour que le fonctionnement puisse être collectivement défini, pour que tous les agents puissent être formés aux règles de sécurité et d’hygiène et que du collectif puisse être recréé.

Cette période aura d’autant plus d’amplitude que les personnels continueront en parallèle d’assurer la continuité pédagogique. Il faudra également réfléchir aux modalités d’articulation des tâches en présentiel (accueil des élèves) et des tâches à distance (continuité pédagogique)

Panser les blessures

La crise sanitaire a été et reste particulièrement violente. Nous avons presque tous été touchés par le virus, soit directement, soit indirectement dans notre entourage. Un nombre non négligeable d’entre nous connaît le deuil. Le traumatisme est réel et profond. Depuis deux mois, l’autre et sa proximité sont devenus synonymes de danger. Nous ne pouvons ignorer que des élèves, des agents, craignent, redoutent et refusent de ce fait de retourner à l’École. Il faudra en tenir compte.

Préserver les personnes dont l’exposition à l’épidémie peut être dangereuse

Ce point concerne bien évidement tous les usagers. Il conviendra avec les autorités sanitaires d’établir une liste des affections ou des profils de personnes qui ne doivent absolument pas être exposées au risque de contamination. Les personnes concernées devront être invitées à rester confinées. Cette liste devra être largement diffusée sur la messagerie académique pour que les personnes concernées puissent se manifester auprès de leur établissement pour les élèves et à leur hiérarchie pour les agents. Nous pensons qu’il serait pertinent dès maintenant de relancer un appel aux personnels fragiles pour qu’elles se signalent auprès de la médecine de prévention et de préciser quelles seront leurs modalités d’exercices.

Maintenir les autorisations spéciales d’absence

Il est acquis que tous les élèves ne pourront être accueillis avant longtemps. Nous demandons donc que les agents dont les enfants ne seront pas accueillis dans leur établissement scolaire puissent se voir accorder une autorisation spéciale d’absence, sans perte de salaire.

La place des CHSCT

 

De par sa raison d’être, le CHSCT départemental doit être partie prenante du plan départemental de reprise. Le CHSCT doit pouvoir également exercer pleinement le droit de visite des espaces de travail pour accompagner les équipes dans une reprise progressive.

Nous posons également la question de la création, dans tous les espaces de travail, d’une commission d’hygiène et de sécurité qui aura pour mission de maintenir les priorités de santé et de non propagation du virus.

Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à ces préconisations et vous demande de croire Monsieur le DASEN à notre dévouement au service public de l‘Éducation nationale.